Loader - Nuit de la Photo
Laura Morton

Philippe Geslin

France , 1960

Sur les traces des derniers chasseurs inuits du Groenland

« Dire la continuité des mondes. Rechercher dans les moindres détails les attitudes intactes du passé. Celles décrites par nos aînés. Celles de nos rêves de gosses. En ethnologue, je sais que cette collecte est vaine ou presque. Et pourtant chacun de mes périples est un recommencement, un quasi entêtement. Prendre le temps, en vagabond sensible, curieux et exigeant. Déplier les territoires des êtres et des choses, en révéler les coulisses, en suivre les méandres, en restituer le sensible et l’anodin. Dans ces contrées lointaines, c’est dans l’imperceptible et le ténu qu’on saisit l’univers.

Mon appareil photographique en carnet d’aquarelle plus qu’en carnet de note. Elle permet la caresse et le chevauchement, à la touche de lumière, avec cette palette étrange réduite au noir et blanc pour dire l’inquiétude. J’aime l’effort d’exploration, le temps de pause qu’elle demande à ceux qui la regardent. Un regard au plus proche de celui que je vis sur mes terrains comme ici, au coeur du Groenland, aux confluences des baies de Melville et de Baffin. ‹ Ceux du grand pouce ›, c’est ainsi qu’ils se nomment, sont les derniers chasseurs inuits. Ils vivent encore au rythme des saisons, de la banquise et de la mer, des tempêtes et du froid. Extrêmes. Ils guettent la présence des phoques, celle, plus rare, des bancs de bélougas à la peau claire, en virgules marines. Sur la banquise, les chiens, presque des loups, attendent l’hypothétique départ pour la chasse. Attentes. Tout semble en suspens pour ces peuples du nord. Quotidiens malmenés. Dans cet univers minéral, on se résigne aux coups de boutoir du pétrole, des quotas et des mines. Ruptures. Ils font gueuler plus fort l’esthétique du pôle. »
Philippe Geslin
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Club 44


Édition : 2013
Geslin Philippe - Sur les traces des derniers chasseurs inuits du Groenland
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