« Sur une durée de trois ans, je me suis rendu plusieurs fois au Rwanda pour interviewer et photographier des femmes qui avaient été sauvagement violées pendant le génocide de 1994, et leur enfant né de ces crimes. Je voulais mieux comprendre les circonstances et les raisons de cette haine. Les agresseurs ont transmis le virus du SIDA à beaucoup d’entre elles. Pendant plusieurs années, il leur a été impossible d’évoquer ce qu’elles avaient vécu, rendues muettes par la honte de ces enfants nés des violences infligées par ces miliciens qui, dans bien des cas, étaient également responsables du meurtre de toute leur famille.

Tous les entretiens que j’ai consignés en regard des photos ont eu lieu dans l’intimité de leur maison. Il était impossible de me préparer à ce que j’allais entendre, et la plupart d’entre elles réussissaient pour la première fois à parler de ce qu’elles avaient subi. Pourtant, à chaque entretien, ces femmes partageaient avec moi le détail de leurs souffrances, leur solitude et le combat quotidien qu’elles continuent de mener contre les violences infligées. Ces mères ont enduré les pires tortures qu’un être humain puisse supporter, et elles en subissent encore le traumatisme, à différents niveaux. Malheureusement ces violences et leurs conséquences se sont reproduites et se reproduisent sans cesse, que ce soit au Congo, au Darfour ou ailleurs à travers le monde. Avec ces témoignages je voudrais amener les gens à agir pour que de tels actes de barbarie ne puissent plus être perpétrés. C’est mon plus grand espoir. »