Loader - Nuit de la Photo
Isadora Romero

Christian Lutz

Suisse , 1973

Tropical Gift

Lauréat du Prix de la 1ère Nuit de la Photo
« S’immerger. Christian Lutz se fond dans ses sujets ; il s’introduit au coeur des assemblées humaines qu’il photographie et semble en faire partie. Il déclenche son appareil très près des visages et des corps. L’immersion n’a pourtant de sens que si le photographe se maintient sur le fil d’une distance critique. Dans la lignée de la tradition documentaire à ses débuts, Christian Lutz s’en est vite démarqué pour affirmer une mise à distance personnelle de la réalité et afficher un point de vue cinématographique sur son environnement. Les groupes humains l’intéressent particulièrement pour leur potentiel à révéler le fonctionnement des rapports individuels et, plus globalement, celui de notre société. Ils sont la température du monde en quelque sorte.

Il y a une dizaine d’années, il a entamé une trilogie sur le pouvoir vu sous l’angle politique, économique et religieux. Chaque volet a abouti à un livre : Protokoll (2007), sur les codes de représentation politique ; Tropical Gift (2010), sur le monde des affaires du pétrole au Nigeria ; et finalement In Jesus’ Name (2012), sur une Église évangélique suisse. Ce dernier ouvrage a été interdit et fait l’objet de poursuites judiciaires de la part de la communauté religieuse concernée. C’est dire combien l’immersion peut — paradoxalement — exposer le photographe. C’est aussi qu’il y a chez Christian Lutz une intuition éclairée des enjeux qui se déroulent sous ses yeux. Bel et bien prises du réel, ses images au cadre tiré à quatre épingles dégagent une étrangeté. Elles nous parlent de quelque chose de reconnaissable, mais déraillent sous l’impact d’un détail qui fait l’effet d’un grain de sable dans les rouages de la réalité qui bascule soudain, comme par inadvertance, dans la fiction. Les individus paraissent flotter et deviennent les protagonistes d’un récit en mouvement dont on saisit le flux énigmatique sans jamais en connaître la fin.

Cette attention au détail ‹ de trop › force la perplexité du spectateur, qui à son tour ne peut plus être dupe de ce qu’il voit. La grande force de cette démarche, c’est de mettre en lumière les incohérences des systèmes sans juger les individus ; d’où l’ironie salutaire et la bienveillance humaniste qui colorent toute l’oeuvre. Pour ne pas se prendre trop au sérieux et parce que, même si la lucidité est la brûlure la plus proche du soleil, comme disait René Char, mieux vaut en rire. »
Eva Cousido
Site personnel

Musée des Beaux-Arts


Édition : 2021
Expo!
Lutz Christian - Tropical Gift
Copyright © Christian Lutz | | Tous droits réservés
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